Remue-méninges dans les alcôves, remue-ménages dans les bureaux d'études et les paddocks.
L'intersaison 2002-2003 a remis en valeur l'article 61...
Règlementairement, toute retouche aux règles techniques doit être unanimement avalisée par les équipes et/ou
mises en application après préavis d'un an. Histoire de gagner en temps et en efficacité, la FIA s'est finalement
contentée de réinterpréter ou simplement d'appliquer au pied de la lettre certaines règles existantes. Dont ce
terrible article 61, selon lequel "le pilote doit conduire sa voiture seul et sans aide".
Quant à l'interdiction de ravitailler entre qualification et course, la FIA fait appel a un argument massue: "pour des raisons de sécurité touchant à la recherche de performances supplémentaires durant les
qualifications et pouvant rendre la voiture inadaptée et même dangereuse en début de course, il ne sera pas
autorisé d'enlever ou de rajouter de l'essence dans les monoplaces"... Implacable!
Jamais au cours de ces vingt dernières années, la règlementation technique et sportive de la F1 n'avait été
a ce point bouleversée.
LA TELEMETRIE STAND-VOITURE DISPARAIT
Considéré comme aide au pilotage, et utilisé par peu d'écuries car coûteux, ce système permettait aux ingénieurs
rivés devant leurs écrans de contrôle d'intervenir sur différents paramètres tels que changement de cartographie
moteur (appauvrissement du mélange air/essence, temps d'injection, etc.), réglage du contrôle de motricité et du
différentiel, ou mise en route du "recovery-system" (système de sauvetage) en cas de problème sur l'un des systèmes
afin de limiter les dégâts. Ainsi Coulthard doit-il sa victoire au GP de Monaco 2002 à cette intervention d'urgence
qui, dans ce cas, permit de résoudre un problème de lubrification lié au fonctionnement de la pompe.
La FIA craignait que cette intervention directe stand-voiture, qui n'en était qu'à ses balbutiements, ne devienne
au fil d'un développement "prometteur" une sorte de pilotage technique à distance, voire qu'elle serve de support
à des malversations destinées à favoriser ou défavoriser l'un des pilotes d'une même équipe en agissant sur des
paramètres perturbant le fonctionnement moteur. Quant aux interventions concernées, elles pourront de nouveau être
effectuées par le pilote après appel radio.
COMMUNICATIONS: VIVE LA TRANSPARENCE
Après avoir envisagé sa suppression, jugée dangereuse par certaines équipes, la liaison radio stand-pilote-stand
est maintenue. A condition qu'elle soit en clair et à disposition des commissaires et des télés. Gentil prétexte
qui interdit tout système de cryptage, dont celui hyper sophistiqué de Ferrari. Est-ce pour autant la fin des
tactiques d'équipe? Un codage simple du style "il pleut dans mon cœur comme il pleut
sur la ville" pourra toujours être utilisé. Mais attention, toute info "curieuse" suivie d'un événement
non moins curieux sur la piste éveillera les soupçons des commissaires...
BAREME DES POINTS: EXTENSION JUSQU'AU 8ème
10, 8, 6, 5, 4, 3, 2 et 1 point du vainqueur au 8ème, au lieu de 10, 6, 4, 3, 2 et 1 points du vainqueur au
6ème jusqu'à présent. Bonne nouvelle pour qui ne pilote pas pour Ferrari, McLaren ou Williams! Les sept équipes
restantes, donc 14 pilotes, se battront pour décrocher les 3 points des deux places supplémentaires. De quoi motiver
les commanditaires jusque-là écartés du festin. Resserrer les points des trois premiers rendra la course au titre
plus difficile, plus incertaine, et reculera donc l'échéance de son attribution. Autre bonne nouvelle. Par contre,
réduire la prime entre vainqueur et 2ème risque de voir quelques pilotes jouant traditionnellement l'attaque se
transformer en "épiciers".
MULET: EN CAS D'URGENCE SEULEMENT
Chaque jeudi, de 10 à 16 heures, les commissaires n'homologueront que deux châssis titulaires par équipe. Le mulet
ne sera utilisable qu'après constatation de dommages irréparables sur place d'un châssis de course. Si le choix du
mulet a lieu entre essais libres et qualificatifs, celui-ci prend la place du châssis titulaire éliminé. Si ce choix
se fait à quelques instants du départ de la course en cas d'incident mécanique (y compris casse du moteur en fin de
qualif), celui-ci devra alors être pris de l'allée des stands. C'est donc la fin de la valse de certains pilotes
entre deux monoplaces! Et celle d'un parc de 4 monoplaces par équipe sur certaines épreuves, comme Monaco. Réduction
du personnel et des frais de déplacement.
AIDES AU PILOTAGE: INTERDITES DES LE GP DE GRANDE-BRETAGNE
En 2001, les équipes eurent cinq GP pour se mettre à l'électronique. La FIA leur en a donné dix pour s'en défaire,
alors que deux jours suffiraient! Le delai imparti sera mis a profit dans un développement capable d'optimiser le
fonctionnement de la machine sans ces systèmes. A partir du 20 juillet, contrôle de motricité, boite à changement
de rapport automatique et système de départ automatisé seront interdits. Une prime de 1 million d'euros sera
accordée, après enquête et découverte de preuve, à tout dénonciateur de triche! Ici encore, la FIA a voulu redorer
le blason du pilotage pur et dur. Pourquoi donc avoir autorisé ces systèmes courant 2001? Parce qu'elle ne disposait
pas des moyens de contrôle suffisamment rigoureux. Elle les a aujourd'hui sous les formes d'un boitier espion
estampillé FIA, qui enregistrera et croisera les signaux "pilote" avec les exécutions. Il ne peut y avoir plus
rigoureux ni plus rapide. Schématisons en disant qu'il suffira que ce boîtier émette une lumière verte ou rouge
dès son contrôle de fin de course pour savoir si son châssis porteur a été honnête ou pas! En cas de doute, il
y a aura décharge des logiciels et, si doute confirmé, analyse en laboratoire.
DEPART AUTOMATIQUE: EN POINTILLE
A propos de doute, il subsiste celui du système de départ automatique, que trois écuries, à choisir parmi Ferrari,
McLaren, Toyota et Renault, aimeraient conserver jusqu'à la fin de la saison. Leur problème? Dans le but d'abaisser
le centre de gravité de leur moteur, elles ont abaissé leur ligne d'arbre en adoptant un mini-embrayage multi-disques
carbone de 4 pouces de diamètre, que l'électronique exploitait avec douceur et régularité. Ce qui ne sera pas forcément
le cas avec le retour du paramètre pilote... Elles se réservent encore quelques jours pour donner leur réponse à la FIA.
Au cas où cet embrayage ne survivrait pas à la disparition de l'électronique, elles devront refaire leur bloc moteur...
La FIA accorderait alors a tous une dérogation autorisant le maintien du système de départ automatique pour 2003. Ce
qui autorisera indirectement le maintien de certains paramètres capables d'alimenter en catimini d'autres systèmes
interdits! L'ère des suspicions ne fera que se rouvrir... Il y a donc gros à parier sur la disparition pure et simple
de ce "launch system" à la date prévue. D'autant que l'une des équipes concernées, a choisir parmi Toyota et Renault,
a donné son accord.
DEUX HEURES DE ROULAGE PRIVE
En échange de leur programme d'essais privés traditionnel pendant la saison, certaines écuries ont accepté l'offre
de Max Mosley: 10 jours à 2 voitures ou 20 jours à 1 voiture pour la saison plus deux heures chaque vendredi matin
de Grand Prix. De 8h30 à 10h30. Jordan, Minardi et Jaguar ont plongé pour d'évidentes raisons financières. Renault
pour une logique forcément politico-technique dans la mesure où une équipe disposant du statut d'écurie-grand
constructeur, d'un programme de développement conséquent, de pilotes expérimentés et d'une ambition déclarée n'a
aucun intérêt à prendre cette option. En effet, que vaudra, techniquement parlant, la première heure d'essais sur
une piste "verte" (non gommée) et sale? Rien.
L'unique point fort de ces deux heures de roulage résidait dans la possibilité de choisir les deux types de pneus
autorisés jusqu'au samedi midi (heure à laquelle il faut définir l'unique type retenu pour qualification et course)
parmi un éventail de huit types. Or, pour d'évidentes raisons contractuelles vis-a-vis de leurs autres
clients-partenaires, et de logistique, les deux manufacturiers se sont mis d'accord pour ne proposer que deux types
de pneus. Il n'y a donc plus aucun avantage technique, si ce n'est celui de disposer plus ou moins d'une heure de
travail sur la mise au point de la machine en vue de la course.
FAUSSES "QUALIFS" MAIS VRAIES "PERFS"
Vendredi après-midi, durant une heure, les vingt pilotes en découdront, l'un après l'autre, dans le but de signer le
meilleur chrono. Il ne comptera pas pour la grille mais déterminera l'ordre de sortie en piste des vrais qualifications,
samedi après-midi. C'est durant cette heure que l'on aura droit aux meilleures performances du week-end dans la mesure
où les écuries les plus puissantes auront encore le droit d'exploiter moteurs et pièces (ailerons, freins, écopes de
refroidissement, etc.) spécifiquement adaptés a cet exercice de très courte durée. La règle du moteur unique par
week-end de GP mettra définitivement fin au moteur de qualification et autres babioles "spécial 40 km".
QUALIFICATION SUR UN SEUL TOUR
L'entrée en piste de chaque pilote, pour un tour de lancement, un tour chronométré et un tour de retour au stand,
se fera inversement au temps réalisé la veille. Le plus mauvais chrono du vendredi après-midi disputera sa qualif en
premier, le meilleur chrono en dernier. Il faudra donc se défoncer la veille pour bénéficier de tous les avantages
de cette séance officielle du samedi. Ils sont au moins deux: plus vous disputerez votre qualif tard, plus vous aurez
une piste performante, car bien gommée par vos collègues, et plus vous aurez d'informations sur la stratégie de course
des collègues en question!
En effet, dès lors que les monoplaces auront disputé leur place de grille, elles seront mises en parc fermé. D'abord
dans un vrai, pour inspection, puis confiées à leur équipe, dans leur stand, mais placées sous le regard d'un commissaire,
que l'on souhaite incorruptible. Donc interdiction de refaire le niveau d'essence... La FIA voulait que les pilotes se
qualifient en conditions de course, c'est fait!
Stratégie: faut-il se qualifier avec 10 kg d'essence à bord, décrocher une splendide place de grille pour ravitailler
à l'issue du 1er tour de course? Ou se qualifier avec 70/80 kg d'essence, se placer en milieu de grille mais jouer la
distance et diviser l'épreuve en 2 périodes comme c'était le cas auparavant? Le 1er cas tentera les équipes soucieuses
de faire du marketing et d'attiser un commanditaire mais l'intérêt sportif sera nul. A moins que l'on dispose de
prévisions météo qui vous annonce la pluie après deux ou trois tours de course. Sauf que les prévisions à 24 heures
sont rarement garanties à 100 %... En tous cas, belles parties de manivelle à l'heure d'établir les stratégies de
course et jolies simulations en perspective.
C'est de ce chapitre que la FIA attend beaucoup, côté amélioration du spectacle car l'on risque de voir un Michael
Schumacher prendre le départ au milieu du peloton, des Williams dans le 2ème tiers de la grille et des McLaren,
carrément en fond de grille, car lourdes, et des voitures plus modestes devant, uniquement par le jeu de cette
quantité d'essence fluctuante selon les besoins. N'oublions pas que, grosso modo, 10 kg d'essence "pèsent" 3/10ème
au tour. Un poil plus à Monaco et Budapest.
PARC FERME, MECANOS REPOSES
Les choses sont désormais claires. Dès la fin de sa qualification, chaque monoplace sera stoppée sur l'ère de pesage
jusqu'à la fin de la séance, pour inspection. Deux mécaniciens de chaque équipe seront autorisés à pénétrer dans ce
parc fermé afin d'effectuer les opérations suivantes:
- contrôle de pression et nettoyage des pneus et jantes.
- enlèvement de la carrosserie et adaptation des ventilateurs externes pour éviter toute surchauffe.
- connexion d'une batterie externe sous contrôle FIA.
- déchargement des données par connexion physique sous contrôle FIA.
Les monoplaces sont alors remises à leur équipe respective. Jusqu'à 18 heures, elles peuvent procéder à des contrôles
sur moteur, boite et autres sous contrôle FIA. Toute autre intervention mécanique sera éventuellement autorisée selon
constat et autorisation du délégué technique FIA.
Les monoplaces sont ensuite remises en parc fermé central où aucun personnel des équipes ne sera toléré.
Dès 8 heures, le dimanche matin, les équipes reprennent possession de leurs machines et peuvent effectuer certaines
opérations toujours sous le contrôle d'un commissaire FIA:
- réparations de dommages suite à un accident.
- purge de certains circuits et rétablissement du niveau de certains liquides et gaz (notamment circuit de rappel
pneumatique des soupapes et circuit hydraulique), mais pas de celui d'essence.
- les roues peuvent être ôtées mais non changées.
- la batterie principale peut être changée.
- accès au boitier électronique central par connexion physique.
- nettoyage et retouches "cosmétiques" de la carrosserie.
- pneus et écopes de freins peuvent être adaptés si les conditions météo ont changé.
DEPART DE L'ALLEE DES STANDS
Petit détail: le pilote qui "jettera" sa monoplace dans le premier bac à sable durant sa qualif ne verra pas sa
machine consignée en parc fermé. Il pourra donc profiter d'interventions interdites. Peu importe, il sera condamné
à partir de l'allée des stands.
Même punition pour celui qui, lors des tours de roulage autorisés avant la mise en pré-grille, décidera de changer
de roues, de refaire le plein d'essence ou de prendre son mulet équipé d'un moteur neuf n'ayant pas disputé la
qualification! Même s'il dispose alors d'une machine plus performante ou en mesure de couvrir une longue distance
de course, il aura tout le peloton a remonter. Donc joli spectacle car il gardera toutes ses chances!
Là encore, savants calculs et simulations à prévoir. Mais attention: tout pilote partant de l'allée des stands n'a
plus droit aux tours d'installation... donc aux vérifications de bonne marche de tous les systèmes. Donc risqué. |