Comme lui, tout le monde y a cru jusqu'au bout, se raccrochant au moindre espoir. Même à ce groupe italien qui s'est déclaré
au dernier moment sans disposer des moyens nécessaires à l'aventure. Comme lui, nous sommes atterrés. Non pas qu'Alain Prost
ait raté son pari. Non pas qu'il s'agisse d'un échec personnel que le quadruple Champion du monde était certainement loin
d'imaginer en acceptant de miser son nom et son image sur ce challenge. Désolés que la France, pays de technologie, berceau
du sport automobile, n'ait pas réussi à maintenir une équipe de F1 emblématique. Et lui, c'est Guy Ligier.
Pendant vingt ans, il
porta les couleurs françaises avec hargne et entêtement. A sa manière. En bout de course, déjà confronté à la professionnalisation
de la F1, aux moyens colossaux qu'elle réclamait, Guy Ligier avait compris qu'il n'avait plus sa place. L'arrivée des grands
constructeurs imposait un nouveau standard à ce "sport". Ses amitiés politiques lui permirent de jouer les prolongations mais
c'était sans issue. Alors, il se sépara de son bien. Alain Prost, gloire, fortune et renommée faites, était celui qui pourrait
mener à bien la reconversion de son équipe. Mais là encore, sans l'appui de ces industriels, l'échec était inévitable. Bien
sûr, il y eut l'argent des sponsors et le moteur gratuit de Peugeot mais qui aurait le culot de soutenir qu'un projet de trois
années est suffisant pour négocier pareil virage? Pour passer du stade de l'artisanat à l'industrie de pointe? Pour se mettre
au niveau des McLaren, Williams, soutenus par des constructeurs, ou, pire, des constructeurs eux-mêmes.
L'AP05 ne verra jamais la piste!
Certes, Alain Prost n'est pas exempt de responsabilités. Sa stratégie a souffert de décisions inadaptées, hésitantes. Emporté
par sa passion et son éternel optimiste, sans doute a-t-il accordé trop de confiance à certaines compétences hors rôle. Sans
doute aussi a-t-il pensé trop haut ou dit très bas ce que certains auraient aimé ne pas deviner ou entendre. Excellent pilote
et piètre manager? Peut-être. Et alors? En débarquant en F1, Eddie Jordan nous avait promis la bagarre pour le titre mondial
sous trois ans. Le voici qui entame sa 12ème saison en position bien inconfortable. Caractère de cochon? Qui peut s'enorgueillir
d'avoir réussi en F1 en vertu d'une personnalité normale? Le pauvre Craig Pollock n'y a pas survécu! Même Renault a confié ses
intérêts aux mains de Flavio Briatore! Les plus gros torts de Prost ont été d'être Français et pas Anglais, du moins dans sa
démarche. D'avoir voulu s'installer en France et non Outre-Manche, et surtout d'avoir trop de notoriété, de faire trop de presse.
La France n'a pas de place pour deux équipes de F1, même si les deux vivaient sur deux planètes différentes. Contrairement à ce
que l'on croit, des repreneurs français ont été intéressés, et invités à ne pas le faire... C'est ce constat d'échec
"environnemental" que l'on regrette.
250 personnes seront licenciées. Certaines prendront la route de Citroën Sport. L'usine de Guyancourt sera vendue aux enchères.
Renault et Asiatech sont sur le coup. "Pauvre" Guy Ligier. Pauvres supporters français. Les discussions d'après-Grand Prix ne
seront plus comme avant.